Vers la liquidation des AED et des AESH Et au-delà, les dangers de l’inclusion et de l’insertion à la mode « libérale »

Le CDFD de la FSU s’est tenu le 16 mai 2023,
Ci-dessous l’intervention générale d’Émancipation 69 :

Pour les revendications : centraliser la mobilisation contre le pouvoir

Lors de la réunion, la situation des AESH a été aussi évoquée.

La direction départementale s’est élevée à juste titre contre les nouvelles mesures de Macron : alors que les AESH se mobilisent pour dénoncer la précarité de leur situation, les conditions de travail et des salaires inacceptables, le Président a annoncé un nouveau métier, celui d’Accompagnant à la Réussite Éducative (ARE) conduisant à la fusion des AED et des AESH dans un cadre d’emploi ARE.

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Mais les mesures concernant le handicap vont bien au-delà de la question des AESH et des AED.

Suite à la Conférence Nationale du Handicap,  [1] tenue par Macron le 28 avril 2023, 70 mesures ont été publiées. Elles sont présentées dans le dossier de presse [2].

Ces plans sont délétères pour tout l’Enseignement public qu’il s’agisse des personnels comme des élèves.

L’Éducation nationale se verrait confier « la responsabilité d’assurer la réponse de 1er niveau aux besoins des enfants en situation de handicap :

->> la détermination et la mise en œuvre des accompagnements pédagogiques ;
->> la détermination et l’accès aux matériels pédagogiques adaptés
->> la mobilisation d’une équipe mobile d’appui du médico-social »

Les PIAL seraient ainsi « transformés en un pôle d’appui à la scolarité » et renforcés d’un professeur spécialisé et outillé pour permettre d’assurer :

->> l’accueil des familles et le suivi des élèves en situation de handicap ;
->> l’évaluation des besoins d’adaptation à la scolarité des enfants ;
->> le déploiement et la coordination des solutions : aide technique, aide humaine, accompagnement par des professionnels du médico-social ou de santé ».

Le plan de Macron va donc bien au-delà de l’annonce sur les AESH et les AED.

E. Macron et P. Ndiaye préparent l’acte II de l’École inclusive prévu pour juin 2023.

Un rapport de l’Inspection Générale des Finances d’avril 2022 constate que « l’aide humaine » est devenue le principal moyen de compensation du handicap, et le nombre de AESH a fortement augmenté. Et ce rapport indique que d’autres ressources sont disponibles, en particulier un matériel pédagogique adapté (ce qui implique le travail pédagogique et didactique des enseignants). Sous couvert de favoriser l’autonomie des élèves en situation de handicap (ESH), il s’agit de sortir du « tout aide humaine » apportée aux ESH, afin de garantir « l’égal accès à l’accompagnement » à tous les élèves. Ainsi les MDPH cesseront de définir les besoins individuels d’accompagnement de chaque jeune porteur de handicap. Leurs missions seront en grande partie transférées à l’Éducation nationale, laquelle sera chargée de définir la nature de l’accompagnement requis pour les ESH.

On comprend donc que le « métier d’accompagnement à la réussite éducative » (ARE) concernera indistinctement tous les élèves : les ARE assureront les missions jusqu’alors dévolues aux AESH, mais aussi celles des AED… Il y a là d’importantes économies en prévision et une nouvelle dégradation tant de la vie scolaire que de l’accompagnement des ESH. Et les dernières annonces du ministre montrent que ces personnels – comme les AESH - seront voués à la précarité avec des salaires de misère.

À noter que nombre de tâches assurées actuellement par les AED risqueront d’être reportées sur les enseignants (dans la plupart des pays d’Europe, la fonction de CPE, de surveillant, la « vie scolaire » n’existent pas. L’encadrement des élèves, dans la classe et hors des cours relève des enseignants ). [3]

Ce processus va accélérer la destruction des structures publiques spécialisées. Ainsi, d’ici 2027, 100 instituts médico-éducatifs (IME) seront désinstitutionnalisés pour être convertis en plateformes de service intégrées dans les murs de l’école. Il s’agit d’accélérer la dissolution des structures spécialisées dans des équipes mobiles censées coacher les personnels en proposant des « partenariats » entre les écoles et des « équipes mobiles d’éducateurs spécialisés, orthophonistes, psychomotriciens ».

Or, face à la dégradation des conditions de scolarisation, nombre d’enfants porteurs de handicaps « inclus » dans le système scolaire ont déjà été déscolarisés dans la mesure où ils ne bénéficient pas/plus de l’accompagnement médico-social qui leur est nécessaire. C’est ainsi par exemple qu’à la rentrée de septembre 2022, le président de l’Association pour Adultes et Jeunes Handicapés 44 (APAJ) déclarait  : « On a des enfants accueillis à l’école, mais en errance, qui ne sont pas à leur place, car on ne leur propose pas un dispositif adapté. »

L’école va changer. Elle doit être «  transformée durablement » pour accueillir tous les élèves, ce qui passe par une « pédagogie différenciée » affirme Pap Ndiaye. Quelles que soient les conditions d’études (classes surchargées…), la « pédagogie adaptée » des enseignants devrait donc compenser les soins manquants aux élèves.

C’est en réalité une nouvelle dégradation de la prise en charge des élèves et de nouvelles attaques contre les conditions de travail des personnels qui seront rendus responsables des conséquences encore plus catastrophiques d’accueils et d’apprentissage de tous les élèves. Et c’est aussi un nouvel alourdissement de la charge de travail du personnel enseignant et une nouvelle soumission à une hiérarchie intermédiaire avec la création du « référent handicap » dans la cadre du « pacte enseignant ».

Par ailleurs, au nom de la société inclusive et de l’insertion, ce ne sera plus la MDPH qui élaborera les orientations professionnelles, mais le milieu ordinaire, à savoir le futur système France travail qui traitera les particularités des personnes handicapées.

Si les formes anciennes d’institution pour les enfants ou les adultes handicapés peuvent être critiquées, on doit pourtant s’interroger sur ce processus actuel de « dé-institutionnalisation ». Car il s’inscrit sous la houlette d’une politique libérale alignée sur la rentabilité, la performance, la rationalisation, la marchandisation… et non sur les véritables besoins de la population…

Les directions syndicales participent depuis des années à des Groupes de Travail « école inclusive » : une autre face du dialogue social qui vise à associer les syndicats aux plans de liquidation des acquis collectifs, à entraver, voire désarmer les résistances et mobilisations.

Il y a urgence : la responsabilité de la direction de la FSU (et des autres directions syndicales) est de rompre avec ces "groupes de travail", avec les instances de dialogue social.

Elle est d’informer largement dès aujourd’hui tous les personnels de l’enseignement sur la totalité des plans du gouvernement. (Ces plans sont connus, annoncés, publiés sur les sites officiels).

Au lieu de de distiller des journées d’actions catégories par catégories, cela permettrait d’organiser la mobilisation de l’ensemble des personnels contre la politique du gouvernement Macron