Nous ne pourrons donc pas reprendre le chemin du lycée le lundi 11 mai

Ci-dessous la position de l’AG des personnels du lycée Poincaré de Nancy (17 avril 2020)

Des personnels d’éducation du Lycée Henri Poincaré
2, rue de la Visitation 54 000 Nancy

À Nancy, le 17 avril 2020
À Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale,
S/c Monsieur le Recteur de l’Académie de Nancy-Metz,
S/c Monsieur le Proviseur du lycée Henri Poincaré de Nancy.

Monsieur le Ministre,

Comme vous le savez et le soulignez d’ailleurs, nous sommes pleinement engagé.e.s dans nos missions.

Avec toute notre bonne volonté et notre engagement auprès de nos élèves, nous avons réussi à maintenir un lien humain, culturel et intellectuel et nous continuerons à le faire au mieux jusqu’à la fin de l’année. Dans ce contexte très particulier que nous vivons actuellement, c’est fondamental. Étant donné la crise sanitaire vécue par le pays, le troisième trimestre ne sera pas un trimestre comme les autres.

Lors de son discours du 13 avril, le président de la République a annoncé une reprise « progressive » des cours avec une présence physique dans les écoles, collèges et lycées à partir du 11 mai 2020. Or, nous, enseignant.e.s du lycée Henri Poincaré, réuni.e.s en assemblée générale à distance, ne comprenons pas cette décision qui est totalement incompatible avec le respect des gestes barrières et de la distanciation sociale imposés par le gouvernement pour freiner la propagation du virus SARS-CoV-2. Il n’est donc certainement pas envisageable de reprendre les cours en établissement le 11 Mai.

En effet, un établissement scolaire est un lieu collectif surpeuplé : comment respecter une distance minimale d’un mètre entre chaque élève dans une salle ? De même, dans les transports, comment gérer les arrivées d’élèves par vagues en respectant cette distance de sécurité ? Comment désinfecter les salles entre chaque cours ? Comment permettre aux élèves et enseignant.e.s de circuler dans les couloirs sans risque ? Comment s’assurer de conditions égalitaires et praticables de retour en classe pour les élèves internes et demi-pensionnaires, alors que cantines et internats seraient fermés ? Y aura-t-il des masques de qualité pour tous, sachant que les soignants en manquent eux-mêmes si cruellement ? À quelle fréquence seront-ils renouvelés ?

La réouverture précipitée des écoles pourrait être une source énorme de contagion du coronavirus SARS-CoV-2 : les enfants et adolescent.e.s sont le plus souvent asymptomatiques et donc vecteurs sans le savoir. Le virus pourra circuler et être transmis aux parents, aux enseignant.e.s et aux proches. Nous ne pouvons courir le risque que l’école soit l’origine d’une deuxième vague de propagation massive, qui tuera encore plus de personnes. Cela aggravera irrémédiablement les capacités de soins des hôpitaux déjà surchargés et épuisera les soignant.e.s.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, solennellement, de renoncer à cette mesure qui risquerait d’entraîner une véritable catastrophe sanitaire pour l’ensemble de la population.

Dans le rapport de l’INSERM du 12 avril dernier [1], la réouverture de l’école en mai n’est envisagée dans aucun des scénarios de sortie du confinement évalués, et il y est même affirmé : "la réouverture des écoles à l’automne ou à l’hiver devrait être explorée dans les mois suivants une fois que l’impact de ces mesures aura pu être évalué" (p. 13). Le président de l’Ordre des médecins a également déclaré dans une interview au Figaro que "ce choix révélait un manque absolu de logique". Ainsi, plusieurs pays ont déjà choisi de ne pas reprendre les cours avant septembre, comme l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Russie, le Québec, l’État de New York, etc.

En outre, il est essentiel de profiter de ce temps pour préparer un plan sérieux de reprise (réfléchi avec un ensemble des scientifiques d’horizons divers et faisant autorité dans leur domaine), avec tous les moyens nécessaires à sa bonne mise en œuvre (tests de dépistage, masques, gel, protections diverses en quantité suffisante), afin de préserver la santé de toutes et tous (élèves, personnels, parents d’élèves, grands-parents d’élèves, etc.).

Nous ne pourrons donc pas reprendre le chemin du lycée le lundi 11 mai 2020. Quelle logique y a-t-il à rouvrir les écoles alors que les restaurants et les cinémas resteront fermés ? Peut-être pour permettre aux parents de travailler à nouveau ?

Mais à quel prix en vies humaines ? Nous ne prenons pas cette décision pour nous protéger individuellement, nous n’ignorons pas non plus les lourdes implications que représente la fermeture des établissements pour les familles socialement défavorisées, mais nous avons avant tout à l’esprit l’intérêt général et voulons à tout prix éviter le risque d’une deuxième vague de contaminations qui ne serait plus maîtrisable.

Dans ce contexte inédit, il est essentiel de ne pas perdre de vue les fondamentaux de notre société.

N’oublions pas les principes de la Déclaration universelle des droits de l’Homme : « tout individu a droit à la vie » (art. 3).
En vous assurant de notre engagement, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, nos salutations respectueuses.

Les personnels du lycée Poincaré de Nancy réunis en assemblée générale, syndiqué.e.s ou non syndiqué.e.s, soutenu.e.s par les sections syndicales CGT Educ’action, FO, SNALC, SNES-FSU, SUD Education et par les listes représentatives du personnel d’éducation au Conseil d’Administration Liste Participative, SNALC et SNES-FSU.