UKRAINE : Mobilisation d’étudiants et d’enseignants à Kiev

UKRAINE : Mobilisation d’étudiants et d’enseignants à Kiev

2023 a été marqué en Ukraine par le retour de luttes sociales. En dépit de la loi martiale qui interdit tout rassemblement ou manifestation sur la voie publique, les mouvements sociaux se sont réapproprié l’espace publique pour exprimer leurs revendications.

Deux secteurs, la santé et les étudiants, où deux syndicats combatifs sont présents, ont vu des luttes importantes se dérouler.

Sois comme Nina : Outre l’important travail de secours humanitaire qu’elle mène à l’instar de l’ensemble du mouvement syndical, l’organisation syndicale des infirmières, Sois comme Nina, se bat quotidiennement dans les hôpitaux pour faire respecter les droits des travailleurs de la santé. Ainsi, le personnel soignant de la ville, d’Oleksandria a réussi à obtenir le paiement de plusieurs mois d’arriérés de salaires.

Priama Diia : En février 2023, le paysage syndical étudiant (dominé par deux organisations syndicales « de droite ») a vu l’arrivée d’un nouveau venu : Priama Diia (PD, Action Directe) [1]. Cette nouvelle organisation est née de la lutte des étudiants de Lviv contre la fermeture de l’Académie de l’imprimerie de novembre 2022. Depuis le syndicat a remporté plusieurs victoires.

Actuellement, le syndicat est engagé dans une campagne contre la fermeture de l’Université nationale de Tauride originellement en Crimée, exilée en territoire libre [2], et qui enseigne notamment la langue tatare. Cette fermeture s’inscrit dans une vaste de plan qui vise à

  • Réduire le nombre d’étudiants (aussi réduction en cours des bourses d’études) ;
  • Livrer à la spéculation leur terrain et bâtiment à la spéculation immobilière.

Elle est le fruit d’un audit soutenu par la Banque mondiale. 70 autres universités sont promises à la fermeture.

Ci-dessous le compte-rendu d’une assemblée qui s’est tenue à Kiev, à l’université nationale de Tauride

Des cris d’indignation, des étudiants militants, un Mejlis [assemblée tatare] silencieux, l’insolence de Kvit et le vice-ministre dans les bras d’un étudiant : que s’est-il passé hier à l’Université nationale de Tauride ?

Rappelons que dans le cadre de la réforme de l’enseignement supérieur, le ministère de l’Éducation et des Sciences s’est fixé pour objectif de réorganiser les petites universités, où l’enseignement est ’à un niveau bas’ ou dont le maintien est ’non rentable’ pour l’État. Aussi, le ministère évoque souvent un prêt de la Banque mondiale, qu’il pourra être accordé en cas d’’optimisation’ réussie. L’Université nationale de Tauride (TNU) est également tombée sous le couperet.

Dans le cadre de la campagne ’Contre la destruction des connaissances’, ’Agir Directement’ s’est uni aux étudiants de TNU pour défendre leur droit d’étudier là où ils le souhaitent.

Hier, 25 janvier, s’est tenue une réunion à l’université, à laquelle devait participer le vice-ministre de l’Éducation Mykhailo Vynnytskyi, qui personifie la réforme en cours. Suite à cette nouvelle, les participants de ’Contre la destruction des savoirs’ ont organisé une action sous les murs du TNU. Il est important de souligner que la police a été prévenue et qu’aucune opposition à l’événement n’a été reçue. À 12h00, le corps étudiant se réunit.

À notre grande surprise, […] était aussi présent Serhii Kvit, le président de l’Académie Kiev-Mohyla (un partisan de l’obstruction des activités de ’Agir Directement’).

Pendant la première heure, les enseignants de la TNU ont échangé leurs opinions sur le travail de l’université au cours de l’année écoulée. Si Mykhailo Vynnytskyi déclarait il y a quelques jours aux journalistes que la direction de TNU ne fonctionnait pas bien, le corps enseignant pense le contraire. Lors de la réunion, l’un des employés de l’université a souligné que le travail du recteur au cours de l’année écoulée était ’plus que satisfaisant’.

À l’unanimité - et il n’y a pas eu d’autres votes lors de la réunion - il a été décidé de se réunir à mi-chemin : le travail du recteur Bortniak est ’satisfaisant’. […].

En fait, l’analyse du travail de TNU a été très importante pour une meilleure compréhension du fonctionnement de l’université. L’administration a montré que le vice-ministre Vinnytsky avait tort. Il est donc exaspérant que, durant ces explications, le vice-ministre et Kvit aient passé leur temps sur leurs smartphones.

Il faut dire que parmi ces interventions, l’opinion exprimée par les étudiants a été une bouffée d’air frais, expliquant pourquoi la lutte est menée - non pas pour l’existence de murs, de chaises ou d’un piano à queue qui coûte plus de 100 000 dollars, mais pour un développement favorable de l’enseignement et des conditions d’études. Par moments, cela a été approuvé bruyamment par des slogans : ’Révolte, amour, ne donne pas la TNU’ ! Toute la salle a applaudi.

Malheureusement, on sentait clairement que la possibilité d’intervention des étudiants était restreinte. […].

Le Mejlis [conseil] du peuple tatar de Crimée n’a pas non plus pris le parti des étudiants, invoquant le fait qu’ils « étudiaient la situation ».

Lorsque, finalement, l’étudiante Maryana fut autorisée à prendre le micro, il s’est produit quelque chose qui a semblé indigner même le vice-ministre : le président de l’académie a quitté la réunion avec défi. Bien sûr, l’aversion de Kvit pour les étudiants pensant librement est connue, mais on ne s’attendait pas à ce qu’il montre son arrogance avec autant d’éclat.

Plus tard, le vice-ministre Vynnytskyi a également quitté la réunion. Un des étudiants de la TNU s’est approché de lui devant la porte pour l’embrasser en se moquant de lui. Si ce n’est par la force, alors par l’amour.

Qu’avons-nous en résumé ? Le ministère de l’Éducation et de la Culture maintient fermement sa position selon laquelle l’unification est inévitable. Le ministère préfère une gestion autoritaire à une réforme démocratique de l’enseignement supérieur. Espérer que les professeurs de la TNU est une perte de temps.

Mais l’université n’envisage pas d’abandonner : le collectif étudiant a adressé un recours à la Verkhovna Rada et au président et intentera un procès contre la décision du gouvernement.

23 janvier 2024 Priama Diia (Action Directe) https://www.facebook.com/priama.diia

Pétition internationale

Non la fermeture de l’Université Tauride de Kyiv (Ukraine)

Nous soussignés, étudiants ou anciens étudiants, professeurs ou anciens professeurs, membres ou anciens membres des communautés éducatives dans nos pays respectifs soutenons l’Ukraine dans sa résistance à l’agression impérialiste de la Fédération de Russie.

Nous croyons dans une Ukraine libre et indépendante.

Nous regrettons vivement le projet de fermeture de l’Université Tauride à Kyiv. Cette université de Crimée qui a trouvé refuge et protection en 2014 en Ukraine libre est essentielle au développement d’une formation universitaire de qualité de la jeunesse ukrainienne.

50 autres universités sont également menacées de fermeture.

Nous soutenons les étudiants de cette université qui se mobilisent pour sa défense.

Nous appelons le gouvernement ukrainien à renoncer à ce projet qui porte un mauvais coup au patrimoine éducatif et culturel de l’Ukraine et met les étudiants de cette université en danger. En effet, les étudiants de cette université risquent de se retrouver dans une situation sociale désastreuse.

Signature à renvoyer à : tauride2024@gmail.com

En précisant dans cet ordre : Nom, Prénom, qualité (étudiants ou anciens étudiants, professeurs ou anciens professeurs, membres ou anciens membres des communautés éducatives), Ville, Pays, Université ou école, Organisation syndicale le cas échant

Le courant syndical Émancipation 69 a soumis au congrès au congrès académique du Syndicat National de l’Enseignement du Second degré (SNES) la motion ci-dessous, laquelle a été adoptée à l’unanimité le 15 février 2024

UKRAINE : Soutien aux travailleurs, aux enseignants et aux étudiant

En Ukraine, les travailleurs et la jeunesse combattent sur deux fronts :

D’une part, ils contribuent directement ou indirectement à défendre leur territoire envahi et occupé par l’armée de Poutine

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D’autre part, ils résistent, non sans difficultés, à la politique néolibérale du gouvernement et de la Rada (Assemblée), encouragée par la Banque Mondiale et l’Union Européenne.

Cela se traduit notamment par la fermeture d’hôpitaux, des licenciements de personnels médicaux, avec des charges de travail accrues, des salaires diminués (voire non payés), le regroupement d’universités.

Cette résistance est le fait de syndicats, dont de jeunes syndicats, comme Sois comme Nina qui regroupe des infirmières et personnels soignants, ou du syndicat étudiant Priama Diia.

Le SNES avec la FSU apporte son soutien à ces syndicats, comme cela est fait pour les autres syndicats ukrainiens.

15/02/2024

Notes

[1Une présentation de Priama Dia sur GERME http://www.germe-inform.fr/?p=5063 Site

Site de Priama Diia : http://www.priama-diia.org/

[2En raison de l’occupation de la Crimée par la Russie en 2014, l’université a réussi à être déplacée vers les territoires contrôlés par l’Ukraine. En 2016, l’université a rouvert ses portes à Kyiv.