Rentrée scolaire Blanquer (3) : Une accélération des mesures contre le statut

"On a inventé une nouvelle façon d’enseigner, que ce soit avec le numérique, la poste"… E. Macron, le 5 mai 2020.

Comment Macron et Blanquer préparent la rentrée de septembre.

Vers la poursuite du télétravail ?

Après avoir largement vanté les mérites du ‘‘télé-enseignement’’ et volontairement minoré les difficultés durant la période de confinement pour les personnels (qui ont travaillé dans un cadre totalement déréglementé), les élèves et les familles, le ministre Blanquer semble vouloir passer à l’étape suivante de l’offensive sur l’enseignement numérique, pour la rentrée de septembre 2020 et même au-delà.

Alors que des “états généraux du numérique pour l’éducation” seront organisés en novembre, celui-ci affirme désormais : ‘‘L’hypothèse la plus vraisemblable, c’est que le virus sera encore présent en septembre. Dans ce cas, la rentrée ne ressemblera sans doute pas aux précédentes. Cette reprise de mai-juin nous permet d’expérimenter des modalités de fonctionnement, nécessairement mixtes, entre présence à l’école et enseignement à distance.’’

Outre le fait que cet enseignement ‘‘mixte’’ favoriserait les grands groupes du numérique éducatif, il permettrait un contrôle plus grand sur le travail des enseignants et leur liberté pédagogique, conformément aux objectifs du ministère. Surtout, alors que la période dite de ‘‘continuité pédagogique’’ a confirmé l’importance du groupe classe et la nécessité de réduire les effectifs pour pouvoir enseigner, il ne fait aucun doute que la menace d’une poursuite du télétravail (sous quelque forme que ce soit, y compris la possibilité de le rendre obligatoire) constituerait une remise en cause du statut et irait de pair avec la volonté de supprimer des postes.

En rendant obligatoire, pour l’État, un enseignement à distance, la proposition de loi Meunier [1] devrait grandement favoriser ces plans : “Inclure l’enseignement distanciel comme un complément voire une solution alternative, afin de pallier des absences imprévues, élèves malades mais qui peuvent suivre les cours à distance, élèves bloqués par l’absence de transports en commun, intempéries... tel est l’objet de la présente proposition de loi”.

De l’école élémentaire à l’université, d’importantes économies en personnel pourront ainsi être réalisées. Pour les élèves, les étudiants, l’enseignement à distance s’avère catastrophique. Seuls 10% des Mooc, les cours en ligne ouverts à tous, sont terminés par les personnes inscrites alors qu’elles sont volontaires.

Vers un assèchement du recrutement statutaire ?

Le ministère a soumis aux organisations syndicales, un projet de décret et d’arrêté sur la réforme des concours, qui pourrait entrer en application à la rentrée 2020.

Ce projet décalerait les concours à la fin du M2, permettant au gouvernement à la fois d’économiser l’équivalent d’une année de fonctionnaires stagiaires, et de sérieusement compliquer les conditions d’entrée pour les étudiants. Il introduirait d’autre part la possibilité, dans les écoles et les établissements, de recruter comme contractuels des étudiants en M1 et M2, issus des masters MEEF (qui pourraient devenir fortement sélectifs).

Enfin, les futurs concours, largement professionnalisés, comporteraient un oral dit de "motivation". Tout porte à croire que "les oraux de titularisation" prévus dans le courant de l’année prochaine pour les stagiaires issus des concours de 2020 se situent dans cette même logique.

Dans la pratique, le projet ministériel consacrerait une formation professionnelle totalement à la charge du futur enseignant, et qui relèverait du formatage voulu par le gouvernement dans le sens de la redéfinition du métier qu’il prépare. Il s’agit là d’un élément essentiel de l’offensive contre le statut de la fonction publique et des enseignants.

Une prétendue revalorisation en échange de la casse du métier ?

Le ministre Blanquer a confirmé le 2 juin la reprise des concertations à partir de la mi-juin, au sujet de la prétendue revalorisation des enseignants, liée jusqu’alors à la réforme des retraites et en relation également avec le dé-tricotage du statut ("transformation de la gestion des ressources humaines", primes au mérite, accroissement des missions, menace sur les congés et le remplacement …).

Voulant ôter tout doute quant à la nature de cette revalorisation, il a d’emblée prévenu que "cela concerne la rémunération mais aussi plus généralement l’exercice du métier", et ce "dans le cadre d’une carrière plus souple". Confirmant sa volonté de s’en prendre au statut, le ministre a précisé : "on a des sujets d’organisation du temps. Il faut que ce soit une vision complète pour moderniser l’école".

Ces éléments donnent une vision globale de l’accélération de l’offensive du gouvernement contre le statut des personnels, et indique la nécessite de la rupture du dialogue social, sur lequel le ministère compte plus que jamais pour avancer.


- Lire tous les articles de la Lettre d’Émancipation (Lyon-69) de mai 2020 :
UNITÉ POUR S’OPPOSER À "L’ÉCOLE DE DEMAIN" DE MACRON - BLANQUER