Discriminer la population selon l’âge : Un projet anti-démocratique, mortifère et imbécile… vite retiré… mais en partie seulement

Le 15 avril, devant la commission des lois du Sénat, le dénommé Jean-François Delfraissy, président du « Conseil scientifique » de Macron avertissait (comme s’il lui appartenait de décider) que 18 millions de personnes devraient demeurer assignées à résidence, au-delà du 11 mai, sans limitation de durée : étaient menacées de ce projet les personnes jugées comme étant les plus à risque de développer une forme grave de coronavirus.

Étaient notamment visées les « personnes d’un certain âge, au-dessus de 65 ou de 70 ans », les personnes ayant des affections de longue durée (ALD) et des « sujets jeunes ayant une pathologie mais aussi obèses », selon les termes de Jean-François Delfraissy. « Tout ça, ça fait 18 millions de personnes », indiquait-il. Pour ces personnes, « on continuera le confinement ».

Et jusqu’à quand ? « Pour combien de temps, je ne sais pas » répondait-il. « En attendant peut-être un médicament préventif ».

Ce projet, c’était une sorte de coup d’État contre 18 millions de citoyens qui, à la différence du reste de la population, n’auraient pas retrouvé le droit de libre circulation, la possibilité d’activités de plein air, de vie sociale, etc… Ce projet complétait le dispositif visant à renvoyer au travail, le plus vite possible, les personnes non touchées par cette limite d’âge.

C’était le prix que l’on devait payer pour la politique de destruction de l’hôpital public et d’asphyxie de la Recherche.

Un délire du seul président du Conseil scientifique ?

Macronavirus

Jean-François Delfraissy s’était peut-être un peu trop engagé devant le Sénat, mais il n’avait rien inventé. Il s’inscrivait dans la continuité de l’allocution présidentielle du 13 avril. Simplement, Macron avait été légèrement plus prudent dans son propos : « Pour leur protection, nous demanderons aux personnes les plus vulnérables, aux personnes âgées, en situation de handicap sévère, aux personnes atteintes de maladies chroniques, de rester même après le 11 mai confinées, tout au moins dans un premier temps. Je sais que c’est une contrainte forte. Je mesure ce que je vous demande et nous allons, d’ici le 11 mai, travailler à rendre ce temps plus supportable pour vous. Mais il faudra essayer de s’y tenir pour vous protéger, pour votre intérêt. »

Mais lui-même ne contestait pas la déclaration de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui venait de déclarer le 12 avril : « Sans vaccin il faut limiter autant que possible les contacts des seniors ». Cela implique de maintenir le confinement des personnes âgées : « Les enfants et les jeunes jouiront plus tôt de davantage de liberté de mouvement que les personnes âgées et celles avec des antécédents médicaux », expliquait-elle, « espérant » le développement d’un vaccin « vers la fin de l’année ».

Un concert de protestation contre un projet mortifère

Ce qui n’était sans doute pas prévu, c’est le tollé de protestations qui s’éleva ; protestations des personnes menacées d’abord, et protestations de médecins et de psychologues également. Par exemple, un chef de service en médecine gériatrique rappela qu’en ce qui concerne les personnes résidant en Ehpad « certains sont en train de se laisser mourir ».

Et là, ce qu’on programmait, c’était la mort lente pour 18 millions de personnes, Ehpad ou pas Ehpad, toutes condamnées à péricliter sur place : un sacré moyen de faire des économies pour les caisses de retraites. Et en cas de canicules, ces millions de « vieux » et de personnes jugées fragiles auraient été condamnées à rester enfermées dans les fournaises urbaines : combien de morts en perspective ?
Dans la soirée de jeudi, l’Académie de médecine prenait position avec force contre un dé-confinement par tranche d’âge.

Une psychologue clinicienne parlait de mesure « arbitraire, injuste, discriminante et anticonstitutionnelle » et s’inquiétait : « une colère sourde est en train de monter dans les rangs des seniors ». Des proches du pouvoir s’en inquiétèrent. C’est le cas d’Alain Minc : « Vous allez voir monter la révolte des vieux, la révolte en cheveux blancs, très fortement dans les semaines qui viennent. » (16 avril sur France info).

Un projet imbécile

Mais le pire, c’est que ce projet est imbécile. Il prétend protéger les vieux ? Mais en les enfermant, il anéantit l’essentiel de leur possibilité d’activité physique, sportive et sociale, réduisant ainsi leur espérance de vie, et vise à les détruire moralement
Il prétend aussi s’appliquer aux personnes ayant des affections de longue durée, quel que soit l’âge : mais certaines de ces ALD exigent au contraire que la personne touchée ait une activité physique et sportive importante.

Il menace les personnes « obèses » alors qu’elles ont besoin d’activité. Et comment ferait la police pour les contrôles ? Au faciès pour les vieux ? Avec un pèse-personne pour les obèses ?

Marche arrière

Renoncer à ce projet était devenu inévitable. Au moins pour un temps et sous cette forme.

L’annonce est tombée vendredi, en début de soirée, directement de l’Elysée : « Le chef de l’État ne souhaite pas de discrimination entre nos concitoyens après le 11 mai » et « en appellera à la responsabilité individuelle ». En précisant : le chef de l’État a souhaité faire cette mise au point en voyant « monter le débat sur la situation de nos aînés, après les déclarations du Pr Jean-François Delfraissy ».

Affaire réglée ? Ce n’est pas si simple. Car les medias oublient l’autre versant des déclarations faites par le président du Conseil scientifique institué par Macron.
« Faire un covid dans des conditions tout à fait raisonnables » ?

Rappelons que le professeur Delfraissy porte deux casquettes. D’abord, il est président du Comité consultatif national d’éthique. Ensuite, il est devenu président du nouveau conseil scientifique créé le 11 mars. C’est sur ce conseil que s’est appuyé Macon pour justifier le maintien des élections municipales.

« Il y a un conflit d’intérêt entre devenir le porte-parole de la stratégie gouvernementale et la présidence du Comité d’éthique »
, écrit à juste titre un scientifique marseillais.

Lors de son audition devant la commission sénatoriale, Jean-François Delfraissy indique avec cynisme que, à côté des 18 millions de personnes qui resteraient confinées, figurent 50 millions de personnes pouvant reprendre une activité même si elles tombent malades.

On doit prendre connaissance des deux versants de cette intervention telle qu’il l’a formulée, et en particulier de la fin de ce passage : « Quelle population nous allons avoir devant nous quand nous allons sortir du confinement ? Et bien, on peut de façon extrêmement schématique, diviser la France en trois parties : Premièrement des personnes qui sont les plus à risques de développer une forme grave. Ça va rester. Ce sont les personnes d’un certain âge disons, dans lesquelles d’ailleurs je suis, donc au-dessus de 65 ou de 70 ans. Ce sont les personnes qui ont des affections de longue durée, qui ont des multi pathologies, insuffisances respiratoires, cardiaques etc., enfin les ALD, et puis ce sont des sujets jeunes ayant une pathologie mais aussi obèses puisque vous savez que c’est un facteur de gravité pour les formes graves. Alors tout ça, ça fait 18 millions de personnes. Donc, de toute façon, numérique ou pas numérique, nous avons à la sortie du confinement 18 millions de personnes qui sont à risque d’être contaminées et de continuer à développer une forme grave.

Donc, ces 18 millions de personnes, ce n’est pas un scoop, et bien, on continuera le confinement. Dans des conditions, pour combien de temps, je ne sais pas, en attendant qu’on trouve peut être un médicament préventif, mais il faudra poursuivre le confinement parce qu’elles sont à risque de développer une forme grave.

Deuxièmement il y a les 50 millions de Français plus jeunes beaucoup moins à risque de développer, finalement, faisant, pouvant faire un Covid dans des conditions, je dirais tout à fait raisonnables, qui sont et qui posent la question de la remise dans une certaine forme d’activité et avec le questionnement plus particulier des plus jeunes, qui est une question qui est un peu à part.

Puis il y a une troisième population qui est environ un million de personnes qui sont les SDF, les personnes en grande précarité, un certain nombre de migrants sur lesquels ont a très peu de données et vous avez vu qu’il y a beaucoup de mouvement, beaucoup de notes concernant ces populations les plus fragiles mais somme toute on a très peu de data. Si vous me demandez la prévalence du Covid dans ces populations, il n’y a aucune bonne étude actuellement qui permet tout à fait de le réaliser. »

Un conseiller « scientifique » au service du patronat

Ce président du Conseil scientifique passe par pertes et profits 1 million de personnes. C’est déjà scandaleux. Mais pour le plus grand nombre, il considère qu’ils peuvent reprendre « une certaine forme d’activité » car ils peuvent « faire » un Covid sans problème majeur (de « façon tout à fait raisonnable »). C’est exactement la position du Medef : on prend quelques dispositions préventives, et au boulot !

Le confinement des vieux n’était donc que le pendant de la reprise du travail par les autres, comme les deux faces d’une même médaille.

Et ça, Alain Minc ne l’a pas dénoncé, et Macron ne le remet pas en cause… puisque c’est exactement l’objectif qui est le sien, au compte du patronat.

C’est donc l’entièreté de ce dispositif qui doit être combattu.

Combattre pour le droit des salariés à un strict respect des conditions sanitaires sur le lieu de travail, et combattre contre tout projet (qui peut revenir) de confinement sans fin des « non productifs » sont les deux faces d’un même combat.

Cela passe par quelques exigences simples, en particulier :

  • Satisfaction immédiate de toutes les revendications des personnels hospitaliers,
  • Droit de retrait maintenu sans pertes de salaires ni de jours de congés,
  • Droit de contrôle et d’opposition des salariés sur toute éventuelle reprise, paiement à 100% du salaire,
  • Refus d’une reprise scolaire sans tests et garanties sanitaires, refus d’une pseudo « reprise » dont l’objectif n’est que d’assurer la garde des enfants pour que les parents puissent reprendre le travail,
  • Réquisition de toutes les entreprises nécessaires à la santé publique,
  • Abrogation de la loi d’urgence sanitaire qui met en cause les droits démocratiques et des ordonnances.

Émancipation Lyon 69, 19 avril 2020