Interventions Émancipation à la CA académique du SNES de Lyon 25 juin 2021

La CA académique du SNES de Lyon s’est tenue le 25 juin 2021. Nous publions ci-dessous la synthèse des interventions Émancipation

Le texte de la direction académique U&A présenté à cette CA [1] indique que "l’abstention massive" aux élections régionales "est plus qu’inquiétante". Mais il ne se pose aucune question sur les causes de cette abstention, laquelle se situe en continuité de l’abstention et du vote blanc que l’on a constatés aux présidentielles de 2017, lors du face à face Macron-Le Pen.

Faut-il s’en étonner quand on voit que les responsables des partis "de gauche" s’alignent sur le thème de la "sécurité" lequel vient au cœur de la politique de Macron ?

Faut-il s’en étonner quand on voit la campagne de ces partis, campagne qui se veut un tremplin pour les présidentielles, se centrer sur "l’extrême droite" et ne dire quasi aucun mot contre la politique de Macron, lequel chasse sur le terrain de Le Pen ?

Faut-il s’en étonner alors que depuis mars 2020 une sorte d’union nationale s’est soudée suite aux déclarations de Macron annonçant "nous sommes en guerre"… "Guerre" contre le Covid ? Or, tout montre, notamment la gestion délétère de cette crise sanitaire, que cette guerre est en réalité une guerre contre les travailleurs, contre les fonctionnaires, contre les collègues

Bac Blanquer

Le texte de la direction U&A évoque le "désastre du BAC Blanquer". Mais faut-il rappeler que la direction de notre syndicat, après avoir participé à moult concertations avant la mise en place de la réforme du lycée et du bac, poursuit aujourd’hui encore ce dialogue social dans le cadre du "comité de suivi" de la réforme. Peut-on attendre la moindre "avancée" dans ce comité de suivi dont le seul rôle est, en fait, d’associer les syndicats à la mise en œuvre de contre-réformes rejetées par tous les collègues ? Le résultat est clair : c’est effectivement le "désastre" que vivent tous les jours les collègues et aussi les élèves.

Genelle : les 12 "engagements" de Blanquer

Et maintenant, à l’issue du Grenelle, Blanquer a annoncé douze mesures dont la mise en œuvre serait réalisée "avant janvier 2022". Pour avancer dans la mise en place de ces mesures qui selon lui constituent "une étape majeure pour la transformation de notre système éducatif", Blanquer poursuit l’agenda social 2020-2021.

Or, depuis le 8 juin, la direction de notre syndicat participe aux groupes de travail de l’"agenda social Grenelle" de juin-juillet, alors que ce qui est annoncé montre qu’il s’agit de s’attaquer aux acquis statutaires. (voir cet agenda en PJ)

S’agissant de la soi-disant revalorisation, on sera tous d’accord sur le fait que ce ne sont que des mesures dérisoires : non pas 700 millions mais seulement 400 millions pour les mesures nouvelles dont 200 pour la protection sociale complémentaire (Rappelons que la FSU a dénoncé ce système, car il est contradictoire à l’exigence du remboursement 100% sécu et pire encore, il constitue une avancée supplémentaire dans la destruction de la sécurité sociale).

Les 200 millions restant sont disséminés : on les retrouve au fil des 9 groupes de travail (GT) de Blanquer.

Et il s’agit d’associer les organisations syndicales à la répartition de miettes, en leur demandant de choisir entre les personnels (un bon moyen pour diviser toujours plus les collègues). Et avec le maintien du blocage du point d’indice, la nouvelle "revalorisation" indemnitaire (donc non pérenne), les primes à géométrie variable, participent de la "personnalisation" (titre du GT1), c’est-à-dire de la mise en concurrence des personnels, de la marche à la dislocation du statut.

Tout cela s’accompagne du désengagement de l’État. Ainsi, par exemple, le gouvernement refuse d’assurer les remplacements de professeurs absents en créant les postes nécessaires. Il est proposé/décidé d’allouer 6h par établissement pour l’encadrement des élèves en cas d’absence de professeur ; de recourir à des AED, à des Heures Sup, voire à des outils numériques (cela est explicitement indiqué dans le GT3).

Le maintien du blocage du point d’indice met en cause la notion même de grille salariale (c’est-à-dire d’un salaire lié à la qualification et à l’ancienneté). Tout cela conduit à la mise en cause de la fonction publique de carrière au profit d’une fonction publique de "fonction" et du recrutement massif de contractuels.

Et ce n’est donc pas un hasard si la répartition des miettes accompagne dans les différents GT des mesures qui vont vers l’explosion du cadre de travail, du statut et du renforcement de l’autoritarisme qui pèse sur les enseignants et personnels.

Il est, par exemple, ainsi proposé aux directions syndicales de discuter et donc de cautionner :

  • la "personnalisation" des carrières : le ministre parle "d’enjeux individuels" (prime d’attractivité, mobilités, modalités d’avancement, de grade). Avec la multiplication des postes à profil, des primes, de l’avancement à la tête, il s’agit bien de mettre en cause des acquis statutaires en matière d’avancement, de mutation…) ;
  • la mise en place de hiérarchies intermédiaires avec des "professeurs en service partagé" qui auraient des missions telles que "aide à l’inspection" ; ou des coordinateurs autour du chef d’établissement (professeur référent pour "l’harmonisation du contrôle continu", pour "le suivi des élèves"…

Voilà ce que Blanquer nomme "esprit d’équipe".

Et d’ores et déjà, Blanquer inclut dans la circulaire de rentrée parue au B.O. nombre de points évoqués à l’ordre du jour des groupes de travail. Cela montre une fois de plus que le seul objectif des groupes de travail de l’agenda social, c’est d’obtenir que les directions syndicales légitiment ses plans, de gagner du temps, de désamorcer toute mobilisation pour s’y opposer véritablement.

Or, comme vient de l’indiquer un camarade d’Émancipation, comment peut-on défendre les AESH, les AED, si on renonce à défendre le statut des certifiés, des agrégés, des CPE ?

Continuer à participer aux GT de Blanquer, c’est lui donner les moyens de poursuivre son offensive. Il y a donc urgence d’exiger le retrait des conclusions du Grenelle, de quitter les groupes de travail de l’agenda social de Blanquer. Tel est le sens de notre motion.

Et que répondre à ce qui nous est opposé, à savoir que c’est la FSU qui participe (et non le seul SNES) et que si le SNES s’en va alors que le SNUipp reste, par exemple, cela ne servirait à rien ?

Dans le SNUipp des problèmes identiques se posent. Ainsi, par exemple, avec le GT "directeur d’école", Blanquer cherche à vaincre la rénitence de professeurs d’école lesquels sont opposés à la mise en place de missions hiérarchiques des directeurs (même si ce n’est pas ce terme qui est employé). Compte tenu de la place du SNES dans l’Enseignement public et dans la FSU, la rupture de notre syndicat avec Blanquer serait un point d’appui important pour organiser et souder les collègues contre son offensive.

Motion Émancipation :

En défense du cadre national de l’Enseignement public et du statut : Non au Grenelle de l’éducation !

Le 26 mai, le ministre Blanquer a rendu ses « conclusions » du Grenelle de l’éducation. Non seulement l’enveloppe allouée est dérisoire, le blocage du point d’indice est maintenu, mais cette pseudo-« revalorisation » est liée à de nouvelles et importantes attaques contre le statut des personnels. Blanquer veut avancer dans la mise en œuvre des plus de 400 propositions du Grenelle.

Les "12 engagements" du ministre, auxquels la circulaire de rentrée fait référence, vont dans le sens de

  • la dislocation du cadre national de l’école  : la volonté de "donner plus d’autonomie" aux établissements, la gestion des ressources humaines de proximité et l’intention affichée de créer des hiérarchies intermédiaires, préparent un traitement différencié suivant les écoles et établissements ;
  • la remise en cause du statut  : la "personnalisation" des carrières prépare des mesures contre les acquis statutaires en matière de mutation et d’avancement. Sous couvert de "coopération" ou "d’esprit d’équipe", le poids donné aux projets d’école ou d’établissement programme une pression permanente sur les personnels, la remise en cause de la liberté pédagogique ainsi que de nouvelles obligations et un alourdissement de la charge de travail.

La CA académique du SNES de Lyon rejette les conclusions du Grenelle de l’éducation ; elle en demande le retrait. La CA considère que les engagements ministériels se situent aux antipodes des revendications des personnels.

La CA demande à la direction nationale du SNES de dénoncer les conclusions du Grenelle de l’éducation et de quitter les groupes de travail de l’agenda social, dont la seule fonction est de mettre en œuvre les objectifs du gouvernement.

Il est urgent de lancer une vaste campagne d’information ouvrant la voie à la mobilisation unie pour faire reculer le gouvernement et au-delà pour satisfaire les multiples revendications des personnels (créations de postes, déblocage du point d’indice et rattrapage du pouvoir d’achat perdu…).

(La direction académique U&A a appelé à voter contre ce texte ; l’EE ne l’a pas voté).

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Fonction publique de carrière et fonction publique d’emploi

Le système de la carrière :
Le fonctionnaire entre dans un corps (ou un cadre d’emploi pour la fonction publique territoriale), c’est-à-dire un ensemble de fonctionnaires soumis au même statut particulier, divisé en grades, dans lequel il progresse et fait carrière. Il est affecté à un des emplois correspondant au niveau du corps (grade) dans lequel il se trouve. Il peut néanmoins changer d’emploi sans subir de conséquence sur le déroulement de sa carrière.

Ce système garantit davantage la stabilité de l’emploi et protège l’administration des aléas du jeu politique, à la différence du système de l’emploi.

Le système de l’emploi :
Il est également appelé système des dépouilles ou spoil system. Le fonctionnaire est affecté à un des emplois du service public et n’a pas nécessairement vocation à faire carrière au sein de la fonction publique.

Dans cette organisation, un nouveau gouvernement doit pouvoir compter sur la loyauté partisane des fonctionnaires, et donc remplacer ceux qui sont en place par des "fidèles". Ce système, pratiqué aux États-Unis.

En France, diverses mesures ont déjà mis en cause le système de carrière.

En favorisant "la mobilité et la fluidité des parcours", Blanquer poursuit des objectifs clairs. Il s’agit d’aller plus loin encore dans la destruction de la fonction publique de carrière. C’est le cas, par exemple, avec la fusion des corps (la volonté d’aligner le corps des certifiés et celui des professeurs de lycée qui sont bis-valents), avec "réforme" des concours (cf. l’introduction d’un oral "entretien d’embauche"), avec l’extension du recrutement de contractuels (au nom de la diversification du recrutement), ou en favorisant la rémunération indemnitaire (qui ne concerne qu’une minorité "d’élus") au détriment de l’augmentation du point d’indice (qui s’applique à tous et contribue à unifier les personnels)… Autant d’attaques qui se cachent derrière le discours sur "la mobilité et la fluidité des parcours"…
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